Bam
Iran : les Incontournables de (d') > Ailleurs en Iran


Bam : Un patrimoine millénaire au cœur du désert iranien
Introduction
Située dans le sud-est de l’Iran, dans la province de Kerman, la ville de Bam témoigne d’une histoire humaine ininterrompue depuis plus de 7 000 ans. De ses premiers villages néolithiques à sa célèbre citadelle, Bam incarne un carrefour de civilisations, marqué par la résilience, le commerce et le savoir-faire architectural.
Origines anciennes : Les premières traces d’occupation
Bien avant la fondation de la ville historique, la région de Bam-Narmashir était déjà habitée par des communautés agricoles au Néolithique. Le site archéologique de Tell-e Atashi, situé à Darestan, en est l’un des témoins majeurs. Occupé entre la fin du VIe et le milieu du Ve millénaire avant notre ère, Tell-e Atashi est aujourd’hui considéré comme le plus vaste site néolithique identifié dans la région. Ces premières communautés ont prospéré grâce à un climat plus humide et au développement précoce de l’agriculture.
La citadelle de Bam (Arg-e Bam) : Forteresse légendaire du désert
Dominant la ville sur une éminence, la citadelle de Bam — Arg-e Bam — est un chef-d’œuvre d’architecture en adobe (khesht) et en bauge (chiney). Sa construction remonte probablement à la période parthe, il y a environ 2 500 ans. Toutefois, la majorité des structures visibles aujourd’hui datent de la dynastie safavide (XVIe–XVIIIe siècle).
Lieu stratégique sur l’ancienne Route de la Soie, Bam a longtemps prospéré grâce au commerce entre l’Orient, la Mésopotamie et l’Empire romain. Sous les Sassanides (224–642), puis les Safavides, la ville devient un centre actif du textile et du commerce caravanier, comptant plus de 5 000 habitants.
Déclin et renaissance
Au fil des siècles, Bam traverse des périodes de déclin. Après l’effondrement des Safavides au XVIIIe siècle, l’instabilité politique et les conflits dynastiques entraînent un recul dramatique de la population. En 1850, le pouvoir royal ordonne l’abandon de la vieille ville fortifiée, la population s’établissant alors autour des palmeraies. La citadelle devient un site militaire, puis est progressivement désertée jusqu’à son abandon total au début du XXe siècle. Ce n’est qu’à partir des années 1950, et surtout dans les années 1980, que des efforts de restauration sont entrepris.
Une ville moderne tournée vers l’agriculture et l’industrie
Au XXe siècle, Bam se transforme en un centre agricole florissant, réputé pour la qualité exceptionnelle de ses dattes et de ses agrumes, produits grâce à un réseau ancestral de qanats — des galeries souterraines servant à l’irrigation. À cette activité s’ajoutent quelques industries modernes, notamment dans le secteur automobile.
La croissance démographique est rapide : de 15 000 habitants en 1956, la ville passe à environ 100 000 habitants avant le séisme de 2003. L’expansion se poursuit particulièrement dans la zone sud-est, avec le développement de la ville nouvelle de Barawat.


Le séisme de 2003 : Une tragédie historique
Le 26 décembre 2003, à 5 h 26 heure locale, Bam est frappée par un séisme de magnitude 6,8. Le bilan humain est catastrophique : entre 32 000 et 43 000 morts et environ 30 000 blessés dans la région. La ville est détruite à près de 70 %, et la citadelle — déjà fragilisée par le temps et les restaurations mal adaptées — est presque entièrement rasée.
L’ampleur des destructions s’explique par plusieurs facteurs :
- La citadelle, construite en terre, n’était plus entretenue depuis 80 ans. L’érosion et l’absence de mesures parasismiques dans les restaurations ont contribué à son effondrement.
- La ville moderne, construite avec un mélange hétérogène de matériaux (terre, béton, acier), souffrait d’un déficit de normes de construction.
Reconstruire la mémoire : Restauration et renaissance
Depuis cette tragédie, la ville et ses habitants se sont engagés dans une longue entreprise de reconstruction. En mai 2015, la presse iranienne annonce que 99 % de la cité historique ont été restaurés. Le site est rouvert au public à l’occasion du Norouz 2017, symbole de renaissance.
La citadelle de Bam, en dépit de sa destruction, continue d’incarner l’âme de la ville. Utilisée comme décor du film Le Désert des Tartares (1976), elle reste un emblème de l’architecture en terre et du génie civil iranien. Grâce aux efforts conjoints des autorités, d’ONG comme Bam Heritage International, et du soutien international, Bam poursuit aujourd’hui sa résilience, entre mémoire du passé et regard vers l’avenir.
La région de Bam : Un carrefour millénaire de civilisation
Située dans le sud-est de l’Iran, la région de Bam possède une histoire longue et complexe, remontant à plus de 7 000 ans. Les découvertes archéologiques ont révélé une présence humaine continue depuis le Néolithique, soulignant l’importance de cette zone dans le développement des premières sociétés agricoles de la région.
Les premières installations humaines
Les plus anciennes traces de villages agricoles dans la région de Bam datent de la période néolithique. Ces communautés se sont établies grâce à un climat alors plus clément, caractérisé par des précipitations plus abondantes, propices au développement de l’agriculture. C’est dans ce contexte qu’apparaît le site de Tell-e Atashi, situé dans le secteur de Bam-Narmashir.
Lien entre Tell-e Atashi et Bam
Tell-e Atashi, daté entre la fin du VIe et le milieu du Ve millénaire av. J.-C., est le plus grand site néolithique identifié dans la région de Bam-Narmashir. Sa proximité géographique avec la ville de Bam inscrit pleinement ce site dans le patrimoine ancien de la région. Cela montre que l’histoire de Bam s’ancre dans une continuité culturelle très ancienne, bien antérieure à l’époque historique ou islamique.
La période achéménide (VIe–IVe siècle av. J.-C.)
Bam commence à acquérir une importance régionale notable durant l’Empire achéménide. Grâce à sa position stratégique, la ville devient un point de passage sur les routes commerciales reliant l’intérieur de l’Iran aux régions voisines.
La citadelle de Bam (Arg-é Bam)
L’un des monuments les plus emblématiques de la ville est l’Arg-é Bam, la plus grande citadelle en adobe (brique crue) au monde. Bien que ses origines remontent à l’époque achéménide, les structures visibles aujourd’hui datent principalement de la période safavide (XVIe–XVIIIe siècle). La citadelle servait à la fois de forteresse, de centre résidentiel et de marché.
Les qanats : Technologie de l’eau
Le développement de Bam dans un environnement aride a été rendu possible par un système sophistiqué d’irrigation souterrain : les qanats. Ces canaux, parmi les plus anciens d’Iran, captaient l’eau des nappes phréatiques pour irriguer les champs et alimenter la population. Ce système ingénieux a permis la prospérité agricole de l’oasis de Bam pendant des siècles.
Une mosaïque d’influences culturelles
Bam, située sur la mythique Route de la Soie, a été marquée par le passage de nombreuses civilisations : Perses, Arabes, Mongols et autres. Cette diversité se reflète dans l’architecture, les traditions locales et les techniques de construction visibles notamment dans la citadelle.
Conclusion
Loin de se limiter à son imposante citadelle, le patrimoine de Bam s'étend sur plusieurs millénaires. Des villages néolithiques comme Tell-e Atashi aux fastes de l’époque achéménide et safavide, la région illustre une continuité historique remarquable. Elle constitue un témoin exceptionnel du développement des sociétés dans le sud-est de l’Iran, entre sédentarisation, ingénierie hydraulique et échanges culturels.
Urbanisme antique de Bam : un système complexe et adapté au désert
Bam, la plus grande construction en terre crue au monde, et pour son rôle historique majeur sur la Route de la Soie. Son urbanisme reflète une adaptation ingénieuse à un environnement désertique rigoureux, où la gestion de l’eau, la défense, et la vie communautaire s’entremêlent.
1. Organisation générale de la ville
L’urbanisme de Bam antique est caractérisé par une structure duale, avec :
-
La citadelle (Arg-é Bam) perchée sur une colline naturelle, occupant environ 180 000 m².
-
La ville basse (ou la palmeraie et les quartiers résidentiels) qui s’étend autour, sur une surface beaucoup plus large, pouvant atteindre près de 1000 hectares.
La Citadelle
-
Forteresse et centre politique : c’était le siège du pouvoir, avec des bâtiments administratifs, militaires et résidentiels.
-
Défense : entourée de murailles épaisses (jusqu’à 6 mètres), dotée de tours et de portes fortifiées.
-
Organisation interne : quartiers différenciés (résidentiel, artisanal, religieux), ruelles étroites pour contrôler les mouvements et optimiser la défense.
-
Matériaux : adobe (terre crue) et bauge, très efficaces en isolation thermique.
La ville basse
-
Quartiers résidentiels plus étendus, avec des maisons en adobe organisées autour de petites ruelles sinueuses.
-
Présence d’infrastructures publiques comme des hammams (bains publics), des marchés, et des espaces communautaires.
-
Réseau complexe de qanats assurant l’approvisionnement en eau pour l’agriculture (palmeraies, jardins) et la population.
2. Gestion de l’eau : les qanats et leur rôle central
Le succès de Bam dépendait de l’ingénierie hydraulique sophistiquée :
-
Qanats : tunnels souterrains inclinés, permettant de capter l’eau des nappes phréatiques situées en altitude, et de la transporter sur plusieurs kilomètres jusqu’à la ville et ses terres agricoles.
-
Cette technologie limitait l’évaporation dans ce climat aride et garantissait un approvisionnement durable.
-
L’eau des qanats irrigait la palmeraie (environ 15 000 palmiers) et alimentait les fontaines, les hammams et les usages domestiques.
3. Espaces publics et fonctions urbaines
Places publiques
-
Contrairement à certaines cités antiques méditerranéennes, Bam ne possédait pas de grandes places publiques dégagées au sens classique, mais disposait d’espaces semi-publics dans la ville basse, souvent autour des marchés et des hammams.
-
Ces espaces servaient de lieux d’échange, de rencontre et d’activités économiques.
Hammams
-
Le hammam était à la fois un lieu d’hygiène et un centre social important.
-
Plusieurs hammams ont été identifiés, intégrés dans la trame urbaine, proches des quartiers résidentiels.
Hôpitaux et institutions
-
Bien que peu documentés archéologiquement à Bam, les textes historiques mentionnent l’existence d’institutions médicales associées aux complexes religieux, comme dans d’autres villes iraniennes.
-
La proximité entre lieux de culte et établissements sociaux renforce l’idée d’une organisation urbaine multifonctionnelle.
4. Le tracé urbain et la morphologie des rues
-
Les rues étaient étroites, souvent sinueuses, formant un réseau complexe favorisant l’ombre et la ventilation naturelle.
-
Cette morphologie protège contre les vents chauds et limite l’exposition directe au soleil.
-
Le tissu urbain reflète une évolution organique, avec une densité élevée dans la citadelle et une expansion plus lâche dans la ville basse.
5. Adaptations architecturales au climat
-
Les maisons étaient construites en terre crue avec des murs épais, capables d’emmagasiner la fraîcheur.
-
Les toits plats, les cours intérieures et les patios jouaient un rôle dans le confort thermique.
-
La végétation dans les palmeraies contribuait aussi à créer des microclimats plus frais.
6. Évolution historique et urbanisme
-
L’urbanisme de Bam a évolué sur plusieurs millénaires, avec des phases majeures durant :
-
La période parthe (200 av. J.-C. – 224 ap. J.-C.), qui voit les premières fortifications.
-
La période sassanide, marquée par une urbanisation accrue.
-
La période safavide (XVIe–XVIIIe siècles), où la citadelle prend sa forme finale.
-
-
Après un déclin au XIXe siècle, la ville basse s’est déplacée vers la palmeraie, tandis que la citadelle fut abandonnée.
7. Conclusion
L’urbanisme antique de Bam est un exemple remarquable de l’adaptation humaine à un environnement désertique difficile. Par un système ingénieux d’organisation spatiale, d’ingénierie hydraulique, et d’architecture thermique, Bam a pu prospérer pendant des millénaires. La dualité entre la citadelle fortifiée et la vaste ville basse, ainsi que l’intégration d’infrastructures publiques et économiques, révèle une société structurée et résiliente, inscrite dans un carrefour commercial majeur.
Sources principales
-
Rapports de fouilles de l’ICAR (International Centre for the Study of the Preservation and Restoration of Cultural Property)
-
Études de l’UNESCO sur la restauration de l’Arg-é Bam
-
Publications archéologiques iraniennes et internationales sur la Route de la Soie
-
Travaux de chercheurs spécialisés en architecture et urbanisme du Moyen-Orient (ex. H. Mokhtari, M. Zakeri)