Yalda
Yaldâ et Noël, fêtes de la "naissance"
Shab-e-Yalda ou Shab-e Tcheleh
Yaldâ ou la naissance de Mehr
La nuit du 20 au 21 ou 21 au 22 décembre (selaon les années) est importante pour les Iraniens.
C'est une fête persane qui marque à la fois la plus longue nuit de l'année et le début de l'hiver.
Tout le monde se prépare, plusieurs jours à l’avance, à célébrer la fête de Yaldâ.
Pendant cette fête, les Iraniens se rassemblent en famille, traditionnellement chez les grands-parents, et veillent jusqu’à l’aube.
Ils mangent des fruits et des fruits secs (Âdjil), racontent des histoires et lisent des poèmes.
Yaldâ signifie "naissance". On appelle cette soirée, en persan « Shab-e Yalda » (Shab : soirée, nuit). Yalda honore Mithra, divinité du culte de Mithra (pré-zoroastrisme) associée au soleil.
Yaldâ serait ainsi le jour de la naissance de Mitra ou du soleil. La lumière du soleil et du jour étaient considérées comme étant la manifestation d’un dieu créateur alors que l’obscurité, la nuit et le froid étaient le symbole d’Arihman, dieu des ténèbres.
Le cycle des jours et des nuits avait incité les gens à croire que ces deux éléments étaient continuellement en guerre.
Les jours les plus longs étaient alors considérés comme étant les jours de la victoire de la lumière, et les jours les plus courts étaient le signe de la victoire de l’obscurité.
Pour se protéger d’Ahriman, les gens se réunissaient pendant la nuit et allumaient du feu pour demander l’aide du soleil.
Yaldâ est donc en quelque sorte la célébration du soleil et la fin de la domination de l’obscurité et du froid.
En Iran et dans les pays voisins, le début de l’hiver était la nuit de la révolution hivernale qui correspondait exactement, dans leur calendrier, au matin du trentième soir du mois de Azar, la veille du 21 ou 22 décembre.
Certains croient de façon erronée que cette nuit de Yaldâ était l’occasion de lutter contre les forces maléfiques de la plus longue nuit de l’année, alors que cette fête trouve en fait sa source dans des coutumes très anciennes de la civilisation perse.
Cette fête était pour eux l’occasion de rester éveillé jusqu’au matin pour contempler le lever de ce soleil qui venait de naître.
Les anciens de la famille devaient être présents pour symboliser l’ancienneté du soleil. La consommation de fruits de couleur rouge représentait les couleurs du soleil, aidait les participants à rester éveillés.
Les Iraniens ont, dès le début, célébré cette veille de Shab-e-Yalda « shab-chélé ou cheleh » en savourant des fruits dont le centre est rouge notamment grenades et pastèques qui aidaient les participant éveillés , car le rouge symbolise le feu et donc le soleil dans la religion Zoroastre.
Dans l’Iran d’aujourd’hui le calendrier est un calendrier astrologique. Il a résisté à l’usure du temps, et les Iraniens ont quatre célébrations pour commémorer la lumière et la nuit.
L’un des passages de saison les plus appréciés en Iran (Perse) est précisément la fête de Yalda, célébrée depuis au moins 10 000 ans par tous les iraniens de toutes les confessions.
Les Européens le fêtent aussi d’ailleurs, certains disent que Noël, cette veillée pour attendre la naissance de l’enfant lumière, serait inspiré de Yalda qui a pris le nom de Yuletide en Europe.
La tradition consiste à se réunir autour d’une table, et une nappe, « Sofreh », sur lesquelles sont disposés autour de bougies, des fruits dont le centre est de couleur rouge comme la grenade et la pastèque :
- Les pastèques, symboles de santé et de bien être sont conservées depuis l’été spécialement pour cette cérémonie de Yalda. La coutume veut que la pastèque soit à l’honneur, car en manger ce soir-là, dit-on, préserve des maladies et de la grippe pendant les grands froids.
- La grenade, dont les grains symbolisent le cycle de la vie est également un fruit iconique de cette table.
Un mélange de 7 ingrédients (« Ajil ») composé de :
- dattes,
- pistaches,
- noisettes,
- amandes, raisins
- et diverses baies sèches est aussi un indispensable de la soirée.
Ces mélanges de fruits secs symbolisent la prospérité et sont considérés comme une offrande à la résolution d’un problème. On dit en perse « ajil-e moshkel gosha » soit « l’ ajil » qui résout les problèmes.
Un des plats traditionnels cuisinés à l’occasion de « Shab-e Yalda » est le « Fesenjan ». Le khorecht-e fessendjan est un plat de la cuisine iranienne. C'est un ragoût préparé à partir de sirop de grenade et de noix pilées, qui accompagne généralement de la volaille (canard, poulet…)(ou tofu fumé pour les vegans).
Yalda est avant tout une ode à la joie, au rassemblement et au bonheur. Mêlée de poésie, de rires et de philosophie.Yalda incarne l’équilibre parfait entre spiritualité et délices culinaires.
Cette première nuit d’hiver, comme dans le passé, est l’occasion pour tous les membres de la famille de se rassembler chez les plus âgés.
Les pâtissiers et les marchands de fruits s’y préparent une semaine à l’avance. Des marchands de pastèques passent dans les rues, donnant aux villes un air de fête qui annonce la nuit de Yaldâ.
Les grands-mères racontent des histoires du passé, les grands-pères racontent des passages de la célèbre épopée de Ferdowsi et les récits des héros légendaires de l’ancienne Perse.
Cette nuit est embellie par des poèmes (Le Divân) de Hâfez, célèbre poète perse du XIVe siècle, qui annoncent l’avenir et donnent à cette réunion une atmosphère culturelle et littéraire remarquable.
Hafez, de son nom littéraire Chams ad-Din Mohammad Hafez-e Chirazi , est un poète, philosophe et un mystique persan né vers 1325 à Chiraz et mort à l'âge de 64 ans, probablement en 1389 ou 1390.
La fête de Noël
Il est intéressant de noter qu’il n’y a que quelques jours de décalage entre cette fête iranienne et la fête de Noël.
De plus, ces deux fêtes se ressemblent beaucoup dans la façon dont elles sont célébrées : le fait de se rassembler en famille et veiller jusqu’à l’aube, ainsi que la présence d’un arbre qui reste vert pendant l’hiver sont les similitudes les plus frappantes qui ne sont d’ailleurs pas le fait du hasard.
En remontant aux origines de la fête de Noël, on se rend compte que la date de la naissance de Jésus-Christ n’a été fixée au 25 décembre qu’au IVe siècle de l’ère chrétienne. En effet, la véritable date de la naissance du Christ n’est pas connue, et les historiens ignorent même s’il est né en hiver ou en été. Les documents historiques montrent que le choix du 25 décembre par l’Eglise avait pour but de faire en sorte qu’une fête très populaire chez les Romains à l’époque -celle de la célébration de la naissance de Mithra- soit remplacée par une fête chrétienne.
Mithra en Iran
Mithra est une divinité iranienne très ancienne. Nous savons que son origine remonte à des millénaires, car un dieu indien appelé "Mitra", dont les caractéristiques sont très proches du Mithra iranien, est mentionné dans les plus anciens textes du Véda.
L’un des plus anciens documents où le nom de Mithra est mentionné est un traité entre trois rois, écrit en araméen, qui date de 1380 av. J.-C.
L’un des chapitres de l’Avestâ, livre sacré des zoroastriens, est consacré à Mithra, nommé "Mehr" dans ce livre. L’Avestâ tel qu’il existe actuellement a semble-t-il été rédigé à l’époque sassanide [1], mais certains chapitres, dont celui consacré à Mehr, semblent remonter à l’époque achéménide [2].
Il n’y a pas de doute sur le fait que Mehr et Mithra soient la même divinité : elles ont les mêmes caractéristiques, et le mot "mehr" - qui signifie en persan, même encore actuellement, "amitié", "tendresse", ou encore "affection" - rejoint la signification du mot "mitra" - qui signifie "ami" en sanskrit.
Pour les Iraniens, Mithra était une divinité secourable et bienfaisante. Il était à la fois le dieu du serment, le garant des contrats, protecteur de la vérité, ennemi du mensonge, et le dieu de la lumière. Il entretenait donc à ce titre des rapports privilégiés avec le soleil ; mais comme l’écrit Pierre Briant dans son livre sur l’Empire Achéménide [3], il n’y eut jamais assimilation formelle ni exclusive entre Mithra et le soleil.
Notes
[1] La dynastie sassanide a régné en Iran entre 224 et 651 après JC.
[2] Les Achéménides (556-330) ont formé un vaste empire qui s’étendit pendant une période de l’Egypte jusqu’en Inde.
[3] Pierre Briant, Histoire de l’Empire Perse de Cyrus à Alexandre, 1996, Fayard, pp. 460-462.