Mausolée d'Avicenne
Iran : les Incontournables de (d') > Hamadan
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Hamadan, quartier de Zaindiha entre les rues Taleghani et Madani | dimanche lundi mardi mercredi jeudi vendredi samedi | 09:00–15:00 09:00–15:00 09:00–15:00 09:00–15:00 09:00–15:00 09:00–15:00 09:00–15:00 | Conditions de visite Vous devriez passer au moins une heure pour visiter cette tour. Nous vous suggérons de visiter cette tour dans la journée et par temps clair.. |
Le mausolée d'Avicenne est un complexe monumental situé sur la place Avicenne, à Hamadan.
Dédié au polymathe persan Avicenne , le complexe comprend une bibliothèque, un petit musée et une tour en forme de fuseau inspirée de la tour Kavus de l' ère Ziyaride .
Historique
Conçu par Hooshang Seyhoun , il a été construit en 1952, remplaçant un ancien bâtiment dédié à Avicenne qui a été détruit en 1950.
Le gouvernement Pahlavi avait l'intention de construire le mausolée depuis au moins 1939. Le mausolée a finalement été inauguré lors d'une grande cérémonie en mai 1954, et l'avenue qui le précède a également été renommée en l'honneur d'Avicenne.
Comme le monument était un élément central de la propagation du nationalisme iranien par le gouvernement Pahlavi, il risquait par conséquent d'être dégradé, mais comme Khomeiny lui-même était un admirateur d'Avicenne, la place n'a pas été renommée après la Révolution de 1979 .
Avicenne
Ibn Sina connu en Occident sous le nom d'Avicenne (du latin médiéval Avicenna), est un philosophe et médecin, né le près de Boukhara, dans l'actuel Ouzbékistan et mort en à Hamadan (Iran).
Il est l'auteur d'ouvrages de référence en médecine et en philosophie, ainsi que de sciences voisines, comme l'astronomie, l'alchimie, et la psychologie rédigés en arabe classique.
Ses disciples l'appelaient cheikh el-raïs, c'est-à-dire « prince des savants », Maître par excellence, ou encore le troisième maître (après Aristote et Al-Fārābī).
Ses œuvres principales sont l'encyclopédie médicale Qanûn (« Canon de la médecine ») et ses deux encyclopédies scientifiques le Livre de la guérison (de l'âme) et Danesh-e Nâma (« Livre de science »).
Dans son Qanûn, il opère une vaste synthèse médico-philosophique avec la logique d'Aristote, combinée avec le néo-platonisme, élevant la dignité de la médecine comme discipline intellectuelle, compatible avec le monothéisme. Son influence sera prédominante dans l'Occident médiéval latin jusqu'au xvie siècle.
Si son œuvre médicale n'a plus qu'un intérêt historique, son œuvre philosophique se situe au carrefour de la pensée orientale et de la pensée occidentale. Elle reste étudiée au début du xxie siècle aussi bien dans le cadre de l'islam que de la philosophie académique.
Aux viie et viiie siècles, premiers siècles de l'hégire pour le monde musulman, les conquérants arabes se trouvent en présence de communautés appartenant surtout au christianisme oriental en Égypte, Palestine, Syrie et Mésopotamie. Ces communautés avaient déjà produit des traductions des œuvres, du grec au syriaque. Ce travail se poursuit jusqu'au xiiie siècle.
De 750 à 850, période des califes Abbassides, la science arabo-musulmane est en plein essor. Les traducteurs des califes utilisent d'abord les versions syriaques, puis les textes grecs, pour les traduire en arabe. Le philosophe al-Fārābī (mort en 950), « le second maître » (en référence au premier maître, Aristote), tient une place prépondérante dans cette dynamique.
Dans le monde iranien, alors sous domination arabe, la culture arabe se confronte avec la culture persane. Les textes et traditions des dogmes islamiques se fixèrent à cette époque :
- le sunnisme, avec al-Ash‘ari (en 935) ;
- le chiisme duodécimain, avec Shaykh Saduq Ibn Babuyeh (en 991) et Cheikh Al-Moufid (en 1022) ;
- l'ismaélisme, ou chiisme ismaélien, branche du chiisme, en langue arabe et en langue persane.
À la même époque, à la périphérie du monde iranien, les Turcs en provenance de Mongolie entrent en contact avec l'Islam, et s'islamisent, constituant des dynasties d'origine turque, comme les Seldjoukides.
Dans le monde chrétien des xe et xie siècles, sont à peu près contemporains d'Avicenne des savants et philosophes comme Michel Psellos en Orient chrétien (Byzance). En Occident latin, c'est une période d'attente et de transition (fin du Haut Moyen Âge, début du Moyen Âge central) où l'on peut signaler Gerbert, Fulbert, Lanfranc et saint Anselme.
Biographie
Naissance et formation
La vie d'Avicenne est connue par son autobiographie. De son nom complet Abu ʿAli al-Husayn Ibn Abd Allah Ibn Sīnā, il naît le 7 août 980 à Khormeytan (ou Afshéna, le pays du soleil), petit village situé près de Boukhara, en Transoxiane (actuel Ouzbékistan).
Son père, 'Abdallah, musulman chiite ismaélien, originaire de Balkh, au nord de l'Afghanistan actuel, est collecteur d'impôts du village au service du souverain samanide Nouh ibn Mansour. Sa mère, Sétareh (Étoile, en persan), d'origine tadjik, vit à Afshéna.
Durant sa petite enfance, Avicenne étudie l'arithmétique chez un marchand herboriste, expert en calcul indien. Ayant une bonne mémoire, le jeune garçon finit par surpasser son maître en calcul et en mathématiques. Sous la conduite du maître Abu Abdallah Ennatili, il s'initie au Coran, aux auteurs arabes et à la philosophie, en commençant par l'Isagogè de Porphyre (un petit traité pédagogique de vulgarisation de la philosophie d'Aristote). À l'âge de dix ans, il maitrise ainsi le Coran, l'arithmétique, la géométrie d'Euclide, et des bases de la philosophie comme la logique. Il se lance tout seul dans des études difficiles comme l'Almageste de Ptolémée.
À l'âge de 14 ans, son précepteur Ennatili le quitte pour aller dans une autre ville. Un ami médecin lui apporte les traductions des œuvres d'Hippocrate, qu'il aurait lu d'un trait, nuit et jour. Il raconte dans son autobiographie : « quand le sommeil me gagnait, que je sentais mes forces faiblir, je prenais un breuvage épicé pour me soutenir, et je recommençais mes lectures ».
Sa mémoire étant phénoménale, il lit aussi toutes les traductions de Galien. À l'âge de 16 ans, il est brillamment reçu médecin à l'école de Djundaysabur où professent des médecins de toutes confessions : musulmans, chrétiens, mazdéens et juifs. À 17 ans, il donne des cours à l'hôpital de Boukhara qui sont suivis par des médecins étrangers.
Avicenne est appelé auprès du prince Nouh ibn Mansour qui souffre de violentes coliques. Il diagnostique une intoxication par le plomb des peintures décorant la vaisselle du prince, et réussit à le guérir. Il est alors autorisé à consulter la riche bibliothèque royale des Samanides.
En un an et demi, il acquiert la connaissance de tous les auteurs anciens disponibles. Il bute cependant sur la Métaphysique d'Aristote qu'il ne comprend pas, mais il surmonte cette difficulté en découvrant les commentaires d'Al Farabi. Dans son autobiographie, il déclare avoir intégré tous les savoirs de son temps à l'âge de 18 ans, grâce à sa mémoire, mais que son esprit n'était pas assez mûr.
D'une cour princière à l'autre
Vers 1001, un incendie détruit la bibliothèque des Samanides. Les ennemis d'Avicenne l'accusent d'en être l'auteur. Le nouveau prince Abdul Malik lui interdit l'entrée de l'hôpital de Boukhara. En disgrâce, risquant la prison, Avicenne s'enfuit vers le Khârezm, une principauté indépendante (de 994 à 1231) qui se situe au sud de la mer d'Aral. Le prince du Khârezm aime les sciences et s'entoure de nombreux savants. Avicenne y demeure 9 ans, c'est là qu'il commence à rédiger ses premiers livres, à l'âge de 21 ans
Mais la situation politique et militaire de la région (de l'Asie centrale au Moyen-Orient) est instable. Les dynasties d'origine turque et d'origine perse sont en conflit permanent, faisant chuter les capitales. Avicenne doit fuir à nouveau, car il ne souhaite pas servir sous les Turcs, ennemis des Persans. En 1010, il s'installe à Gorgan, où il entreprend son œuvre majeure, le Qanûn (ou Canon) de médecine. Il passe ensuite dans la ville de Ray, dont il guérit le prince, atteint de mélancolie.
En 1014, il est appelé à Hamadan auprès de l'émir bouyide Chams ad-Dawla, et le guérit de ses douleurs inexpliquées. Le prince le choisit alors comme vizir (premier ministre). Avicenne s'impose un travail harassant : le jour, il se consacre aux affaires publiques, la nuit à la science. Il achève son Canon médical et rédige plusieurs ouvrages, avec l'aide du fidèle al-Juzjani, son secrétaire et biographe. Mais en 1021, après la mort du prince Chams ad-Dawla, son fils Sama' ad-Dawla accède au pouvoir. Avicenne n'a plus de protecteur et victime d'intrigues politiques, il passe quatre mois en prison, au cours desquels il continue de rédiger des livres.
En 1023, il parvient à s'enfuir et se rend à Ispahan, auprès de l'émir kakouyide Ala ad-Dawla Muhammed. C'est là qu'il écrit, durant 14 ans, la dernière partie de son œuvre (astronomie, sciences et linguistique). Il n'hésite cependant pas à reprendre la route, répondant aux appels des princes de Perse, de Mésopotamie et du Turkestan. Sa réputation et sa popularité sont immenses, car il exerce la médecine aussi bien dans les cours princières, qu'auprès des pauvres les plus démunis.
Dernière étape
En participant à une expédition menée par l'émir 'Ala ad-Dawla dans le Kermanshah, Avicenne tombe malade. Il meurt à Hamadan au mois d'août 1037 (premier vendredi du mois de ramadan 428 de l’Hégire), à l’âge de cinquante-sept ans. Il souffrait depuis longtemps d'une maladie intestinale dont la nature exacte est discutée : cancer du côlon, dysenterie amibienne, empoisonnement criminel...
Avicenne est enterré près d'Hamadan. Son tombeau reste un lieu de pèlerinage jusqu'au xxie siècle. Jusqu'en 1950, il n'était signalé que par une simple « lanterne des morts » en granit. En 1952, un mausolée monumental a été inauguré sur sa tombe à Hamadan. Il s'agit d'une colonnade de granit en 12 piliers, symbolisant les douze sciences du savoir d'Avicenne, couronnés par une toiture conique. À cette occasion, des photographies de son crâne sont prises, permettant à un anthropologue et sculpteur soviétique de réaliser un « portrait » d'Avicenne7. Cette statue en marbre blanc se trouve près du mausolée.
Avicenne est revendiqué par de nombreux pays, car il est né dans une région qui s'est appelé le Turkestan et qu'il a beaucoup voyagé et séjourné dans des pays musulmans. Le reconnaissent comme leur : l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, l'Azerbaïdjan, l'Afghanistan, l'Iran, la Turquie ainsi que de nombreux pays arabes éloignés qui, au motif d'un séjour supposé, lui prêtent une vénération particulière.
Son œuvre
on œuvre est d'une ampleur variable selon les sources : 276 titres pour G. C. Anawati, 242 pour Yahya Mahdavi, voire 456 titres pour le chercheur iranien Said Nafissi, mais seuls 160 sont parvenus jusqu'à nous.
Il est l'auteur de monuments, d'ouvrages plus modestes, mais aussi de textes courts. Son œuvre couvre toute l'étendue du savoir de son époque: logique, linguistique, poésie ; physique, psychologie, médecine, chimie; mathématiques, musique, astronomie; morale et économie ; métaphysique ; mystique et commentaires de sourates du Coran.
Avicenne, fin lettré, fut le traducteur des œuvres d’Hippocrate et de Galien et porta un soin particulier à l'étude d'Aristote. Il s'inscrit dans un mouvement général qui voit les philosophes de culture islamique découvrir la culture grecque auprès de l'Empire byzantin.
Pendant plusieurs siècles, jusqu'au xviie siècle, son Qanûn constitue le fondement de l'enseignement tant en Europe, où il détrône Galien, qu'en Asie.
Le dessein personnel du philosophe trouve son achèvement dans la philosophie orientale (hikmat mashriqiya), qui prit la forme de la compilation de vingt-huit mille questions. Cette œuvre disparut lors du pillage d’Ispahan (1034), et il n'en subsiste que quelques fragments.
Avicenne a écrit principalement en arabe classique (pour presque tous ses ouvrages majeurs) mais parfois aussi dans la langue vernaculaire, le persan, pour 23 titres mineurs (à l'exception du Danesh Nâma ou « Livre de Science »).
La médecine d'Avicenne
Le Kitab Al Qanûn fi Al-Tibb (« livre des lois médicales »), composé de 5 livres, vers 1020, est l'œuvre médicale majeure d'Avicenne.
Son Canon rencontra un grand succès, qui éclipsa les travaux antérieurs de Rhazès (850 - 926), d'Haly-Abbas (930 - 994) et d'Abu Al-Qasim (936 - 1013) et même ceux d'Ibn-Al-Nafis (1210 - 1288) qui lui sont postérieurs. Les Européens du xiie au xviie siècle ramenèrent de l'Orient le Canon de la Médecine, qui influença la pratique et l'enseignement de la médecine occidentale.
L'ouvrage fut traduit en latin par Gérard de Crémone, de l'école de Tolède, entre 1150 et 1187. C'est là où Ibn Sina en arabe devient Ben Sina en hébreu, et Avicenna en espagnol. Il est imprimé en hébreu à Milan en 1473, puis à Venise en 1527 et à Rome en 1593.
Son influence dure jusqu'à sa contestation à la Renaissance : Léonard de Vinci en rejette l'anatomie et Paracelse le brûle. C'est le développement de la science européenne qui provoquera son obsolescence, par exemple la description de la circulation sanguine par William Harvey en 1628.
Néanmoins cet ouvrage marqua longuement l'étude de la médecine, et même en 1909, un cours de la médecine d'Avicenne fut donné à Bruxelles. Sous Louis XIV, le chirurgien Antoine Lambert le cite comme l'un des plus grands médecins de l'Histoire et le surnomme « prince des Arabes ».
Autres textes
Ses autres textes médicaux ou scientifiques représentent plus de 40 écrits, moins volumineux que le Canon. Il en a lui-même donné une version abrégée, condensée en vers, le « Poème de la Médecine » ou Kanun fit'tibb.
Le Kitab al-shifa ou « Livre de la guérison [de l'âme] » est consacré à la cosmogonie, physique, métaphysique et logique. Le Danesh Nâma ou « Livre de Science », est le seul grand ouvrage d'Avicenne rédigé directement en persan. Ces deux livres traitent de la classification des sciences et des principes de chaque domaine du savoir.
Apport d'Avicenne
Il replace l'ensemble des connaissances médicales de son temps dans une vaste synthèse philosophique et logique, combinant la logique d'Aristote avec le néoplatonisme. Il élève ainsi la dignité de la médecine comme discipline intellectuelle (d'où son caractère universitaire dès les premières universités de l'Occident médiéval). La médecine s'intègre dans une philosophie naturelle compatible avec le monothéisme, ses textes médicaux sont bientôt traduits en hébreu et en latin.
De ce point de vue, Avicenne peut être perçu de deux manières. Soit on lui reproche cette fusion de la médecine et de la philosophie, ainsi que son goût pour les synthèses abstraites ; soit on lui accorde d'avoir distingué la médecine au sein même de cette fusion : « Certes le discours du philosophe est plus vrai, car il est prouvé avec subtilité, mais le discours du médecin est plus manifeste à première vue ».
D'où deux voies pour un même but, que la scolastique médicale appellera la via philosophorum et la via medicorum :
- via philosophorum : fait appel à la raison et à la logique, jugement par la pensée spéculative,
- via medicorum : fait appel à la raison et à l'expérience, jugement par l'expérience sensorielle acquise.
Avicenne se démarque en combinant la foi avec le raisonnement philosophique. Il accepte de l'Islam ce qui lui parait logique et cohérent, et il pense la médecine comme une science rationnelle, rejetant les références magiques et ésotériques, alchimiques (transmutation des métaux) et astrologiques (jugement de Dieu par les astres). Il emprunte à Hippocrate, Galien, Dioscoride et tous les auteurs en arabe avant lui, notamment Rhazès (Al-Razi) et Haly Abbas (Al-Majuzi) qu'il précise et développe avec son expérience personnelle.
Anatomie et physiologie
La loi coranique interdisant la dissection des cadavres, l'anatomie d'Avicenne reste une anatomie livresque. Elle se base principalement sur celle de Galien, mais aussi sur des textes indiens et hébreux. Si la transmission du Talmud aux auteurs arabes au viiie et ixe siècles est attestée, celle de l'influence de sources chinoises est douteuse.
Ainsi son décompte des os humains est celui du Talmud (plus précisément dans un des traités de la Mishna sur les puretés), et son anatomie de l'œil suit celle de Galien dans ses moindres détails. À ce travail de synthèse érudite, il ajoute une anatomie spéculative par « raison logique ». À partir de fonctions supposées ou apparentes, il en déduit des structures anatomiques, sans dissection, ni démonstration de visu. Par exemple, il donne le pénis comme constitué de trois conduits séparés : pour l'urine, pour les sécrétions lubrifiantes, et pour le sperme.
Lorsque l'anatomie de Galien est en contradiction avec celle d'Aristote, Avicenne cherche à les concilier avec une préférence pour Aristote. Ainsi, il attribue trois ventricules au cœur, selon l'opinion d'Aristote, et malgré les observations anatomiques de Galien.
En physiologie, il combine la théorie des humeurs de Galien avec la théorie des âmes d'Aristote. Le corps humain fonctionne selon un équilibre de quatre humeurs, quatre qualités et quatre tempéraments. Avicenne distingue des « forces naturelles » : procréation et génération, nutrition (attraction par assimilation et croissance, expulsion et excrétion), etc. L'air joue un rôle de régulateur par la respiration. C'est la conception d'Aristote de la respiration comme un refroidissement du sang échauffé dans le cœur.
Le cœur est doté d'une force pulsatile, qui distribue chaleur et esprit vital dans l'ensemble du corps. C'est à partir d'un commentaire du Canon d'Avicenne, sur les rapports circulatoires cœur-poumon, qu'Ibn Nafis (1211-1288) avancera l'idée de petite circulation.
Clinique et pathologie
Avicenne s'attache beaucoup à la description des symptômes, décrivant toutes les maladies répertoriées à l'époque, y compris celles relevant de la psychiatrie.
Son examen clinique (observations par les cinq sens) insiste plus particulièrement sur l'examen des pouls (il en distingue près de 60 variétés, regroupées en 10 genres) et l'examen des urines « basées sur la couleur, l'aspect, le dépôt, le volume, l'odeur et la mousse ». Il est l'une des principales sources de ce qui sera l'uroscopie médiévale.
Le malade est considéré dans sa globalité (mode de vie et environnements). Il distingue la valeur de ce qui se répète dans les mêmes conditions, éliminant ce qui relève de cause accidentelle ou fortuite (hasard ou coïncidence en termes modernes). Il approche ainsi la notion de loi, en subordonnant la médecine à la physique ou science naturelle, il fait ainsi du médecin un « physicien », usage qui persiste encore dans l'anglais physician pour médecin.
Il renouvelle les descriptions de l'apoplexie cérébrale et du diabète, de l'hydropisie; il attribue la formation des calculs de vessie à un excès de matière dans l'urine.
Il décrit aussi la rage des chiens, loups, renards et chacals qu'il attribue à un excès de bile noire par consommation de chair en putréfaction ou d'eau polluée. Il fait de l'excès de bile noire ou atrabile la cause principale de très nombreuses maladies.
Il distingue des variétés de méningites et d'ictères. Mais il s'agit le plus souvent d'un travail de classification systématique selon une pathologie humorale (Galien) ou de « qualités » (Aristote), de tels critères théoriques ne reposent sur aucune réalité pathologique au sens biomédical moderne.
Toutefois son sens critique et son expérience personnelle lui permettent d'être plus précis que ses devanciers. Il distingue la pleurésie, la médiastinite et l'abcès sous-phrénique (abcès situé sous le diaphragme). Son diagnostic différentiel entre rougeole et variole est plus explicite que celui de Rhazès.
Avicenne participe à la distinction entre elephantiasis graecorum (lèpre) et elephantiasis arabum (éléphantiasis au sens moderne). Sa description d'une lèpre débutante (perte du tiers externe des sourcils, voix rauque, zones anesthésiques cutanées, perte de jeu des muscles faciaux) sera utilisée comme procédure de diagnostic précoce plus sûr en Occident médiéval.
Il décrit une maladie qu'il appelle « maladie de Médine » particulière à cette région. Il s'agit de la dracunculose, maladie due à un ver parasite appelé depuis dracunculus medinensis.
Thérapeutique et diététique
Dans le livre second du Canon, Avicenne présente une liste alphabétique de 765 produits pharmaceutiques simples, qu'il classe en qualités (froid, chaud, sec, humide) et en degré d'intensité (de un à quatre), à partir de la théorie de Galien. Il les subdivise encore en espèces et variétés, et selon des causes, aboutissant à des combinaisons arithmétiques.
Il poursuit ici les travaux d'Al-Kindi dans le domaine de la pharmacopée. Il reprend une tradition arabe de présentation en tables ou tableaux (en arabe taqwim devenu en latin tacuinum). Avicenne en arrive à une « algèbre thérapeutique à la fois séduisante [par sa logique mathématique] et totalement irréelle [sans répondant biomédical moderne] ».
Ses choix thérapeutiques procèdent de deux méthodes : l'une théorique et logique fondée sur les qualités (celles de la maladie sont combattues par les qualités contraires du médicament), l'autre basée sur l'expérience et l'observation des résultats. Cette dernière se fonde sur l'existence d'une « forme spécifique » qui ne peut être déduite des qualités, et qui n'est définie que par ses effets.
D'autres médicaments sont indiqués selon leurs effets mécaniques : émétique, purgatif, diurétique, etc. Il accorde une grande importance aux évacuations censées purifier le corps. D'où aussi la pratique de la sudation, des ventouses, de la saignée, du lavage de l'intestin...
Dans le livre III du Kanūn, il décrit la trachéotomie, connue depuis l'Antiquité mais peu pratiquée, parce qu'elle est mal maîtrisée et à cause des interdits religieux.
Il traite la douleur en utilisant des médicaments antalgiques, mais aussi par tout autre moyen (massage, compresses chaudes ou vessie de glace, musique agréable, marche, sommeil...).
En diététique, il décrit longuement les propriétés des différents aliments et boissons. Le régime alimentaire est à adapter selon l'âge, le mode de vie, l'environnement du sujet... Il est à visée préventive et curative. L'obésité est vue comme une condition nuisible, pathologique. Comme d'autres auteurs arabes, il conseille 3 repas sur 2 jours (matin et soir ; puis une simple collation le lendemain), ce rythme visant à terminer une digestion complète avant chaque cycle.
Hygiène et environnement
Pour Avicenne, l'hygiène et la médecine sont deux pratiques complémentaires. La médecine d'Avicenne pourrait être résumée par la phrase d'introduction de Urdjuza Fi-Tib' (Poème de Médecine) : « la médecine est l'art de conserver la santé et éventuellement, de guérir la maladie survenue dans le corps ». ou encore « l'art de conserver la santé peut-être défini comme celui qui permet à l'organisme humain d'atteindre dans des conditions convenables l'âge auquel il est naturellement prédisposé »
Selon la théorie de Galien, l'hygiène dépend de « six choses non naturelles » (liées non pas à la nature, mais au choix des individus). Ce sont le choix de la nourriture et de la boisson, l'élimination de ce qui est superflu, les soins du corps, la respiration, l'exercice du corps et de l'esprit, la veille et le sommeil. Avicenne ajoute une notion particulière, celle de complexion ou constitution de qualités propres à chaque individu. La santé est une harmonie entre les six non-naturels de Galien adaptés à la complexion naturelle de chacun.
La toilette du corps a pour but d'éliminer tous les déchets : poils, transpirations, sécrétions... d'où rasage, coiffage, épilation, lavage des dents et des yeux, nettoyage du nez et des oreilles.
Le temps de sommeil justement nécessaire doit être respecté, en préférant le sommeil de nuit à la sieste de jour. Il recommande de changer de position durant le sommeil : s'endormir du côté droit, puis se retourner sur la gauche, et finir en revenant à la position de départ. Il s'agit de bien répartir et diffuser les différentes humeurs du corps. Cette recommandation sera reprise par tous les médecins médiévaux.
L'air est l'élément essentiel à la vie ; la respiration permettant à l'air « d'entrer dans le cœur » et de « refroidir le sang » en expulsant les « fumées corporelles ». L'air doit être pur, clair et lumineux, en mouvement plutôt que stagnant, de caractère tempéré (l'air printanier est le meilleur des quatre saisons). Dans les cas contraires, l'air est dangereux. Ces facteurs conditionnent le choix de l'habitat.
Il attribue l'infection à des particules terrestres contenues dans l'eau polluée, et surtout aux vapeurs malsaines présentes dans l'air. Avicenne est l'une des sources de la théorie des miasmes qui dominera longtemps en Occident. Face à la peste noire de 1348, les médecins occidentaux n'auront comme sources principales qu'Avicenne (Canon) et Rhazès (Almansor ou Kitab al-Mansouri fi al-Tibb) à partir desquels ils publieront d'innombrables traités de peste durant les xive et xve siècles.
Il reconnaît le caractère contagieux (transmission par contact ou proximité) de la tuberculose, de la lèpre, de la gale, de la variole Ces deux théories, transmission par l'air infect et par contact, resteront en concurrence en Occident jusqu'au xixe siècle.